Lancement de la base de données en ligne d’ENERGISE

En réponse au défi du changement climatique, qui devient de plus en plus urgent, la Commission européenne fait la promotion de plusieurs objectifs en matière de climat et d’énergie en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de décarboner l’économie. Toutefois, le rythme et l’ampleur actuels du changement ne suffiront pas à opérer les transitions nécessaires en termes de durabilité au sein du système énergétique. Il apparaît de plus en plus clairement que la réalisation des objectifs en matière d’énergie dépend dans une large mesure de plusieurs aspects complexes des schémas de consommation finale d’énergie ou de la demande en énergie.

ENERGISE est une initiative de recherche paneuropéenne innovante qui, reconnaissant ces préoccupations, vise à établir une meilleure compréhension scientifique des facteurs sociaux et culturels influant sur la consommation d’énergie. Financée dans le cadre du programme Horizon 2020 de l’Union européenne pendant trois ans (de 2016 à 2019), l’initiative ENERGISE développe, teste et évalue des possibilités permettant de transformer, par le biais d’une approche ascendante, la consommation d’énergie au sein des ménages et des communautés aux quatre coins de l’Europe.

Pour le projet européen ENERGISE, l’Université de Genève a contribué à une classification systématique de plus de 1000 initiatives en matière de consommation énergétique des ménages, dans 30 pays européens. Une grande majorité des initiatives, soit 75%, sont basées soit sur le changement comportemental individuel, soit sur des changements techniques (Jensen et al., 2018). Cependant, la Suisse est particulièrement novatrice, avec 28,6 % d’initiatives qui prennent en compte les interactions complexes entre les pratiques sociales, et 35,7 % concernant les situations de la vie quotidienne.

Pour la première catégorie (interactions complexes), nous pouvons citer comme exemple la Société 2000 Watts, qui cherche à atteindre une limite de la consommation d’ici 2050 en répondant aux changements affectant des aspects multiples de la vie quotidienne et de la société. Ou encore Pumpipumpe.com, une initiative qui cherche à réduire l’achat d’appareils ménagers pour privilégier le partage et les relations de voisinage. Dans les changements de comportements individuels et les changements technologiques, nous pouvons citer les actions Éco-Sociales (Genève et Lausanne) des services industriels, qui cherchent à rendre la consommation d’énergie et d’eau plus efficace, par l’information, la sensibilisation et la proposition de matériel plus efficient ; ou alors TOPTEN, une plateforme qui cherche à promouvoir des appareils efficaces sur le plan énergétique.

Selon la professeure Marlyne Sahakian de l’Université de Genève, la recherche a un rôle important à jouer :

"Ces dernières années, le milieu académique a pu bénéficier de fonds pour la recherche fondamentale et la recherche-action, ce qui a sans doute servi à explorer des approches novatrices en Suisse – souvent en partenariat avec les services industriels, les villes et le monde associatif."

Le projet PNR71 sur la consommation énergétique des ménages mené par le Prof. S. Erkman, la Prof. M. Sahakian et la Dr. B. Bertho a par exemple impliqué des chercheurs de l’UNIL, des acteurs associatifs (Terragir, Fédération romande des consommateurs) et des services industriels (SIG et SIL). En Suisse alémanique, on pensera par exemple au projet PNR71 "Promouvoir un comportement efficace sur le plan énergétique dans les villes" mené par les professeurs B. Furrer et M. Stauffacher, qui a associé des chercheurs, des villes (Baden, Zug, Winterthur) et des services industriels.

Cette base de données et son analyse montrent finalement qu’il est essentiel d’aller au-delà des actions individuelles et d’efficacité énergétique, pour interroger davantage les habitudes et routines dans la consommation énergétique. Les normes sociales et collectives doivent aussi être interrogées, comme par exemple en Suisse le standard très élevé autour de la propreté, qui n’est pas sans incidence sur la consommation énergétique des ménages (fréquence de lavage des intérieurs, des habits, etc.).

Bibliographie

Jensen et al. (2018). Publication of reports of results for subsequent WP6 and WP7. ENERGISE – European Network for Research, Good Practice and Innovation for Sustainable Energy, Grant Agreement No. 727642, Deliverable 2.

Laure Dobigny

Laure Dobigny

Laure Dobigny est docteure en sociologie et chercheuse postdoctorale à l’Institut de recherches sociologiques de l’Université de Genève, spécialisée en socio-anthropologie de l’énergie. Ses objets de recherche portent sur la construction sociale de l’énergie : pratiques énergétiques, énergies renouvelables, systèmes techniques, transition énergétique des territoires. Elle travaille actuellement au sein du projet de recherche européen H2020 ENERGISE qui interroge, dans une approche interdisciplinaire et internationale, les influences sociales de la consommation énergétique des ménages.

https://www.unige.ch/sciences-societe/socio/fr/laure-dobigny

Marlyne Sahakian

Marlyne Sahakian

Marlyne Sahakian est professeure assistante en sociologie à l’Université de Genève, Faculté des sciences de la société, où elle mène des projets de recherche et enseigne sur la thématique de la consommation dans une perspective de durabilité. Elle coordonne des projets à la fois sur les questions alimentaires et énergétiques, ainsi que sur les innovations économiques. Sa recherche est axée sur les liens entre gestion des ressources, pratiques sociales, et équité, avec comme intérêt principal les consommateurs/citoyens.

https://www.unige.ch/gedt/membres/sahakian-marlyne

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