Cycle de conférences "Climate & Sexual Change"

Chaque semestre, le Centre Maurice Chalumeau en Sciences des Sexualités (CMCSS) de l’Université de Genève organise une série de manifestations scientifiques abordant, sous l’angle des sexualités, un sujet d’actualité. Fruit d’une collaboration avec l’Institut des Sciences de l’Environnement (ISE) et le Pôle/Institut de Gouvernance de l’Environnement et Développement Territorial (GEDT), le cycle du semestre de printemps 2022 s’intitulait "Climate & Sexual Change", en référence à la COP26 (United Nations Climate Change Conference) qui s’est déroulée à Glasgow en novembre 2021.

Cet ensemble était composé de trois conférences données respectivement par l’anthropologue spécialiste des conflits socio-environnementaux Peter Bille Larsen (Université de Genève), par l’éthicien de l’environnement Damien Delorme (Université de Genève) et par le philosophe des sciences naturelles Thierry Hoquet (Université Paris Nanterre). Il s’est clos par une discussion entre le journaliste et militant Cy Lecerf Maulpoix et la sociologue Marlyne Sahakian (Université de Genève), spécialiste de la consommation dans une perspective de durabilité.

Lors de la première conférence, Peter Bille Larsen a commencé par rappeler les formes de violence (juridique, physique, symbolique) exercées sur les individus et les collectifs qui défendent l’environnement dans différentes régions du monde. Puis, à partir de son travail de terrain, il a mis l’accent sur des cas de violences sexuelles subies par des femmes au Kenya. Il a ainsi dégagé des pistes de réflexion sur la prise en compte de la dimension sexuelle dans l’analyse des violences à l’encontre des défenseurs-euses de l’environnement ainsi que sur le développement de solutions durables.

Damien Delorme s’est quant à lui penché sur l’écoféminisme, dans le prolongement de sa recherche doctorale consacrée à l’idée de nature dans les humanités environnementales. Il a retracé la naissance du mouvement dans les années 1970 et souligné son caractère pluraliste. Ont ensuite été étudiées trois perspectives écoféministes – de la maternité comme levier politique pour la justice environnementale aux performances artistiques de l’écosexualité – qui forment autant de réponses à une "crise de l’engendrement" que Bruno Latour a décrite dans ses multiples aspects.

Se concentrant sur le XVIIIe siècle, la troisième intervention a permis d’inscrire l’objet de ce cycle dans le temps long. Le philosophe Thierry Hoquet a en effet porté notre attention sur deux textes majeurs des Lumières françaises, l’Histoire naturelle de Buffon et L’Esprit des lois de Montesquieu, où s’instaurent des rapports étroits entre la sexualité et les différentes zones géographiques plus ou moins tempérées alors désignées sous le terme climats. De tels rapports offrent au naturaliste Buffon de penser l’unification de l’espèce humaine par la reproduction et le métissage ; ils sont au cœur de la façon dont Montesquieu conçoit l’influence des climats sur les corps et les comportements et, de là, sur les sociétés et les régimes politiques.

Enfin, l’échange entre la Prof. Marlyne Sahakian et Cy Lecerf Maulpoix, journaliste indépendant et militant engagé dans les luttes écologiques et LGBT, répondait à la volonté de favoriser le dialogue entre l’académie et la Cité. Prenant pour point de départ l’essai de Cy Lecerf Maulpoix, Écologies déviantes. Voyage en terres queers (2021), ce dialogue a suivi trois directions : la thématique de la consommation et les interrogations sur le vivant et la technique qu’elle soulève ; l’articulation entre écologie et droits des minorités sexuelles dès la fin du XIXe siècle notamment chez Edward Carpenter ; la question de l’utopie et la place qu’y occupent la ruralité et la création de communautés.

Ces quatre manifestations, à (re)voir en vidéo sur le site du CMCSS, ont permis de comprendre comment s’opère la rencontre de la sphère sexuelle avec les problématiques écologiques et les savoirs climatiques. Suivant une approche interdisciplinaire, elles ont chacune jeté un éclairage spécifique sur des liens qui peuvent prendre diverses formes mais qui n’ont cessé de se tisser, des siècles passés à notre contemporanéité. Le cycle "Climate & Sexual Change" a ainsi ouvert un champ qui ne demande qu’à être davantage exploré, où les sciences de l’environnement et les sciences des sexualités s’entrecroisent pour s’éclairer mutuellement.

Bénédicte Prot

Bénédicte Prot est chargée de projets au Centre Maurice Chalumeau en Sciences des Sexualités (CMCSS).

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