Caractérisation territoriale de la consommation d’énergie en Suisse
Demande de chaleur géo-référée (carte de gauche) et décomposition sectorielle de la consommation électrique par commune (carte de droite)
Introduction
Le secteur du bâtiment représente environ 50% de la consommation totale d’énergie finale en Suisse, dont approximativement 40% est dédiée au chauffage domestique et à la production d’eau chaude sanitaire (ECS) [1]. L’énergie consommée par ce secteur représente par conséquent un enjeu de taille pour atteindre les objectifs de la stratégie énergétique 2050. Le projet du SCCER FEEB&D a comme charge d’explorer différentes pistes permettant de réduire la consommation d’énergie liée au bâtiment et d’augmenter la part d’énergie renouvelable.
Des énergies renouvelables comme par exemple la géothermie, l’énergie solaire et l’éolien sont accessibles en grande quantité. Néanmoins des contraintes de lieu et de temps font que leur intégration nécessite la mise en place d’infrastructures de captation, de transport et de stockage. Les investissements requis sont en général élevés. À cela s’ajoutent de nombreuses contraintes d’usage du territoire, ayant comme corolaire qu’une planification de leur développement doit tenir compte d’un nombre élevé de paramètres.
Dans le cadre du projet SCCER FEEB&D, l’Université de Genève a la responsabilité de la caractérisation spatio-temporelle de la demande de chaleur et d’électricité au niveau du territoire Suisse. Cette caractérisation devrait permettre aux acteurs de la transition énergétique : (i) d’évaluer le potentiel de valorisation d’énergies renouvelables ; (ii) d’estimer quelles infrastructures de transport et de stockage seront requises, comme par exemple des réseaux de chauffage à distance et des champs de sondes géothermiques ; (iii) d’évaluer la faisabilité en terme de coûts et de contraintes territoriales ; (iv) de maîtriser la demande en énergie (économies d’énergie & déplacement de la pointe de charge). Les résultats issus d’études de faisabilité donneront des arguments pour convaincre les décideurs que la transition énergétique est possible et économiquement viable.
Caractérisation territoriale de la demande de chaleur pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire
La loi cantonale genevoise sur l’énergie (LEN 2 30) impose à tous les bâtiments de plus de 5 preneurs de chaleur1 et les bâtiments à usage non résidentiel de faire une déclaration annuelle d’indice de dépense de chaleur. Une conséquence est que 80% de la demande annuelle d’énergie pour le chauffage et la préparation d’ECS est géo-référée à Genève. Cette situation est exceptionnelle en Suisse. D’autres cantons mettent en place également des bases de données contenant les livraisons d’énergie de réseau (gaz, chaleur à distance et électricité), mais elles ne sont ni publiquement accessible ni aussi complètes que l’information disponible sur le site du système d’information du territoire Genevois (SITG). Dans d’autres régions de Suisse, la base de données des certificats énergétiques cantonaux des bâtiments (CECB) fournit une source de données relativement représentative pour une petite fraction des bâtiments Suisses.
Estimation de la demande annuelle d’énergie
Les données des SITG et du CECB ont permis de constituer un échantillon de 27'000 bâtiments avec des demandes thermiques annuelles connues, couvrant diverses catégories d’usages et époques de construction. Cet échantillon permet de calibrer un modèle statistique qui estime la demande annuelle d’énergie finale pour les 1.9 millions de bâtiments listés dans le registre fédéral des bâtiments (Reg-BL). Chaque bâtiment étant géo-référencé, le modèle nous permet de localiser géographiquement une demande totale annuelle de 94 TWh pour une année climatique normalisée. Plus d’informations concernant la méthode élaborée sont disponibles dans [2] et [3].
Estimation des courbes de charge horaires
Les données de consommation annuelles estimées précédemment permettent de construire, pour chaque bâtiment, une courbe de charge horaire estimée qui répartit la demande annuelle en pas de temps horaire.
La Figure 1 montre le principe de fonctionnement du modèle. Des données horaires mesurées de demande de chauffage pour différents types de bâtiments permettent de calibrer un modèle de régression généralisé qui prédit la demande d’énergie en fonction de la température extérieure, de l’irradiation solaire et de l’heure de la journée. Les mesures climatiques de différentes stations météorologiques permettent à l’aide de ce modèle, de générer une collection de courbes de charge de demande de chauffage pour chaque type de bâtiment et chaque région de Suisse. On associe finalement chaque bâtiment du Reg-BL à une telle courbe de charge pour avoir une demande estimée à un pas de temps horaire pour le climat de l’année 2015. Plus d’information concernant la méthode utilisée est disponible dans [4].