Les impacts environnementaux du cycle de vie des réseaux de chaleur géothermiques à Genève
Le chauffage des bâtiments dans le canton de Genève contribue de manière importante au changement climatique, car la demande en chaleur est couverte à environ 87% par les énergies fossiles (DIT, 2020). Récemment, le canton s'est fixé comme objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60% d’ici à 2030, par rapport à 1990, et la géothermie est conçue comme l'une des mesures centrales pour atteindre cet objectif (République et canton de Genève, 2020). La géothermie de faible à moyenne profondeur, exploitée directement ou par des pompes à chaleur, pourrait se développer et couvrir environ 30% de la demande de chaleur en 2050 (République et canton de Genève, 2020). Lorsque la géothermie est exploitée en circuit fermé, elle n'émet aucune émission directe, cependant les impacts environnementaux indirects qui se produisent tout au long de son cycle de vie ne sont que peu documentés.
Une analyse du cycle de vie réalisée par le groupe Systèmes d’énergies renouvelables de l'Université de Genève, en collaboration avec les Services industriels de Genève et l'État de Genève dans le cadre du programme GEothermies, a permis d’évaluer les impacts environnementaux de six configurations de réseaux de chaleur à Genève, alimentés par la géothermie de faible et moyenne profondeur. Comme indiqué dans la figure 1, les six configurations ont été définies en liant quatre catégories de profondeurs de puits (10-100 m, 350-1600 m, 1800-2300 m, et 2300-4000 m) et trois types de réseaux de chaleur (l’un avec des pompes à chaleur décentralisées et connectées dans un réseau à basse température, l’un centralisé au sein d’un réseau à haute température avec une pompe à chaleur, et le dernier centralisé au sein d’un réseau à haute température mais sans pompe à chaleur). L'étude a comparé les impacts de ces six configurations avec ceux d'autres technologies de chauffage couramment utilisées en Suisse.
Figure 1 : impacts environnementaux des six configurations de réseaux de chaleur géothermiques (PAC : pompes à chaleur)
Les impacts des réseaux de chaleur géothermiques sur le réchauffement climatique, analysés dans le cas du canton de Genève, s'élèveraient de 9,8 à 18,9 kg CO2 eq/MWh. Ces valeurs ne représentent que 3 à 7% des émissions issues de chaudières à mazout individuelles, l’une des sources de chauffage les plus répandues dans le canton. Les impacts des réseaux de chaleur géothermiques sur le réchauffement climatique sont également inférieurs à ceux, d’une part, de la biomasse ligneuse et, d’autre part, des réseaux de chaleur qui sont alimentés par l’incinération des déchets. Cependant, les impacts des réseaux de chaleur géothermiques sont relativement similaires à ceux qui émanent d'autres sources d’énergies renouvelables, comme les capteurs solaires thermiques, les pompes à chaleur géothermique individuelles, et le chauffage électrique qui utilise le mix électrique genevois.
Les impacts des réseaux de chaleur géothermiques sur la pollution atmosphérique (particules fines) et l'utilisation des sols tout au long du cycle de vie, sont également inférieurs à ceux des chaudières à mazout individuelles, et, dans les faits, inférieurs à ceux de la biomasse ligneuse. Mais les impacts des réseaux de chaleur géothermiques sur la pollution de l'air et l'utilisation des sols sont similaires à ceux des capteurs solaires thermiques, des pompes à chaleur géothermique individuelles et du chauffage électrique également.
Par rapport aux autres sources d'énergie renouvelable, les réseaux de chaleur géothermiques ont un impact légèrement plus important sur la consommation d’eau. Dès lors, les réseaux de chaleur géothermiques posent un défi en ce qui concerne l’appauvrissement de ressources minérales, car les réseaux de chaleur géothermiques consomment jusqu'à 2,6 fois plus de ressources minérales que les chaudières à mazout. Ceci est souvent le cas pour de nombreuses technologies à zéro ou bas carbone, notamment les capteurs solaires thermiques ou le chauffage électrique. Sur le long terme, cette consommation de ressources minérales pourrait engendrer, à l’échelle mondiale, une augmentation du prix de ces ressources et rendre les sources d’approvisionnement plus vulnérables.
La plupart des impacts environnementaux des réseaux de chaleur géothermiques qui ont été constatés proviennent des tuyaux, des puits géothermiques et de l’électricité consommée par les pompes à chaleur tout au long de leur cycle de vie. Les impacts environnementaux les plus faibles ont été observés au niveau des systèmes conçus de manière décentralisée et avec des pompes à chaleur. Cela représente des systèmes où les pompes à chaleur sont installées près des maisons plutôt que près des puits géothermiques, ce qui permet au réseau de fonctionner à une température de distribution de la chaleur plus basse, pour laquelle des tuyaux à base de plastique peuvent être utilisés au lieu de tuyaux en acier. La combinaison de ce système avec une ressource géothermique située à faible profondeur (350-1600 m) permet de réduire les impacts encore plus, car obtenir des ressources géothermiques à une telle profondeur nécessite moins d'énergie du point de vue du forage que les puits plus profonds. L'eau produite à cette profondeur (350-1600 m) est également plus chaude, ce qui fait que le fonctionnement de la pompe à chaleur nécessite moins d'électricité.
En résumé, les réseaux de chaleur géothermiques sont des options appropriées pour décarboner le secteur du chauffage du canton de Genève, et en Suisse de manière plus générale. En effet, non seulement les émissions de gaz à effet de serre sont relativement faibles sur le cycle de vie, mais la plupart des autres impacts environnementaux sont également relativement faibles, à l'exception des impacts sur l’appauvrissement des ressources minérales. Ces derniers peuvent être réduits au minimum grâce à une conception visant à minimiser l'utilisation de tuyaux en acier et à augmenter l’efficacité des pompes à chaleur.
[Ce texte est aussi disponible en version anglaise. La publication complète peut être consultée sur ce site.]
Références
DIT (Direction de l'information du territoire de l’État de Genève). Le système d'information du territoire à Genève (SITG) – Indice de dépense de chaleur (IDC) des bâtiments. https://ge.ch/sitg/fiche/0650 (accédé le 1er décembre 2020).
République et canton de Genève. Plan directeur de l'énergie 2020-2030. Genève, 2020.
Astu Pratiwi
Astu Pratiwi est doctorante au sein du groupe Systèmes d’énergies renouvelables. Ses travaux se focalisent sur l’évaluation de la durabilité de réseaux de chaleur géothermiques dans le canton de Genève, en tenant compte de facteurs environnementaux et socio-économiques.
Evelina Trutnevyte
Evelina Trutnevyte est professeure associée à l'Université de Genève et dirige le groupe Systèmes d’énergies renouvelables. Elle est membre du Pôle sciences, thématique Énergie, de l'Institut des sciences de l'environnement. Evelina est une analyste et modélisatrice des systèmes énergétiques. Ses spécialisations sont les systèmes d'énergies renouvelables, les approches socio-techniques de la transition énergétique, ainsi que les questions liées à la prise de décisions en matière d’énergie dans un contexte d'incertitude. Elle a travaillé à l'ETH Zürich, l'University College London (Royaume-Uni), l'Université Carnegie Mellon (États-Unis), ainsi que dans d'autres universités.