Abisko, retour sur un voyage au-delà du cercle polaire – Le récit des étudiant-e-s
Après un rapide séjour à Copenhague, ville vaste, bien pensée, bien-pensante, verte, responsable, porteuse d’un espoir pour toutes les villes de demain et qui fait baver touxte étudiantex en sciences de l’environnement, nous avons repris le train (encore).
À Stockholm nous retrouvons celleux qui sont partiexs directement de Genève. Quelques longues heures de train, et quelques parties de loup-garou plus tard nous voilà arrivéexs à la gare d’Abisko Östra, au-delà du cercle polaire.
Que dire ? Des paysages vastes et doux, polis par les glaciers du dernier âge glaciaire. L’été s’était bien vite retiré, laissant place à l’automne qui battait son plein. Cinq jours plus tard, l’automne était déjà parti. Là-bas, les saisons sont si rapides face à l’hiver.
Le premier soir, le vent soufflait et secouait le lac, le transformant en une mer menaçante. Les arbres jetaient aux nuages leur couleur jaune pour tenter de les assombrir encore plus. Un air de bout du monde, ou de centre du monde. Là où la limite de notre planète nous a rappelé la fragilité de notre espèce et le délicat équilibre de la Terre.
Le lendemain, après une nuit dans un lit – et pas dans un train –, nous sommes partiexs pour carotter des mélèzes mais aussi quelques bouleaux. Entre les arbres à midi, la lumière était celle d’un matin, ou d’une fin d’après-midi : voilà comment décrire la lumière, un éternel matin, un éternel soir. Abisko, l’endroit où le coucher du soleil était divisé en deux ; il n’y avait pas d’horizon, un crépuscule divisé en jour et nuit, jusqu’à aboutir à une obscurité totale.
Par la suite, nous avons daté des arbres morts via la chronologie du Pr. Håkan. Cet homme a consacré quarante ans de sa vie à dater des arbres pour compléter une chronologie aujourd’hui impressionnante et fondamentale pour touxte dendrologue qui travaille à Abisko (pas grand monde, de fait). Grâce à son travail, nous avons pu dater des arbres morts au VIe siècle, conservés depuis tout ce temps. On remercie le gel, le froid et la faible profondeur de ces lacs qui ont conservé l’essence du temps.
Deuxième jour : rendez-vous à 10h00 pour analyser nos carottes et tenter une reconstruction climatique. En effet plus les cernes sont grands plus la température a été élevée durant la période végétative de l’arbre. C’est un travail amusant mais qui demande une bonne dose de patience.
Vendredi matin – troisième jour : libre ! Pour ma part, nous avons fait une belle randonnée en forêt, traversé une rivière pieds nus, et un pont suspendu.
Quant à moi, les sommets qui surplombaient la vallée m’attiraient comme s’ils représentaient le toit du monde – je n’ai pas été déçu. La bise, le soleil, le lac, les nuages, la roche : entourées par les éléments naturels, on s’est senties comme en dehors du réel.
La contemplation nous frappe et nous fait déposer les armes, plus rien ne compte à part d’exister au milieu de cette immense beauté. Et puis on redescend, pas trop certaines de comprendre ce qui vient de nous arriver, mais avec un poids en moins (et rien à voir avec les fruits secs qui ont mystérieusement disparus de nos sacs pour arriver dans nos estomacs).
Une bonne douche et un repas plus tard, chaque groupe a présenté son travail sur l’influence du climat sur les arbres de différentes régions du monde – en chaussettes, puisque dans la station, aucune chaussure n’est tolérée à l’intérieur, chaussons ou savates mis à part.
Programme du dernier soir : repas toujours aussi succulent et bien préparé par les membres de notre volée. Ensuite, nous avons encore une fois eu droit au sublime spectacle des aurores boréales. Mais cette fois, même les personnes de la station étaient impressionnées. On a vu les fameux drapés verts, entraînés dans une danse lente et silencieuse. Plus tard ce n’étaient plus des rayons mais des masses lumineuses informes et diffuses qui pulsaient dans le ciel tout entier.
Dans un instant figé, nous avons passé quatre heures sur un ponton au milieu d’un lac au-delà du cercle polaire arctique à contempler le vent solaire bousculer les molécules de notre atmosphère.
Dans le train au retour, on est touxtes ensemble, mais personne n’est vraiment là. Ce qu’on a vécu est tellement fort, tellement chamboulant, qu’on a du mal à s’en rendre compte. Certainexs vous diraient qu’aujourd’hui, leurs souvenirs dansent en harmonie avec les aurores boréales (voir le texte "Danse au Valhalla" ci-dessous).
Nous remercions touxtes Jérôme et Sébastien ainsi que touxtes les membres de l’ISE qui nous ont permis de vivre cette expérience si précieuse !
Le plus fou dans tout ça, c’est que ce monde n’est qu’à deux jours de train.
Bon... on y retourne ?
Clarisse, Martin et Olga
Danse au Valhalla
Le vent nous amène à contempler la beauté du paysage nordique automnal, des feuilles orange qui tombent en dansant, en contraste avec un ciel bleu et des montagnes noires de fer. Un crépuscule divisé entre jour et nuit, sans horizon, jusqu’à une obscurité presque totale.
Le lac Torneträsk au fond, sous un ciel nocturne que la lune n’illumine pas, mais caressé par d’autres lumières : les aurores boréales. Si lointaines du reste du monde, cachées aux regards dans le pôle Nord, le froid transperce nos corps mais la nature réchauffe l’âme.
Mes souvenirs dansent en harmonie avec les aurores boréales, pleines des couleurs vertes, blanches et roses, ce dôme éternel étoilé, scintillant, si beau et fragile. Un saut au lac glacé de Torneträsk, un cri de joie, de bonheur, de vie, la nature est éternellement liée à nous.
Olga
Clarisse Goullioud
Je suis étudiante en deuxième année du Master en sciences de l’environnement (MUSE), spécialisation Impacts climatiques. Diplômée d’un Bachelor en sciences politiques et sociales, j’ai décidé de comprendre plus en profondeur les enjeux environnementaux. Attirée par le domaine artistique et culturel, je suis en train de me spécialiser dans la réduction de l’impact environnemental du monde culturel via mon mémoire.
Martin Lou Schärer-Charbonnel
Je suis étudiant en deuxième année du Master en sciences de l’environnement (MUSE), spécialisation Impacts climatiques. Avec ma Licence interface physique-chimie, j’avais acquis des bases sur les phénomènes environnementaux que le MUSE m’a permis d’approfondir. J’ai également choisi de m’ouvrir aux sciences sociales et suis aujourd’hui intéressé par la politique et l’intersectionnalité des luttes écologiques et sociales, ainsi que par l’usage des images dans ces combats.
Olga George Morales
Étudiante du Master en sciences de l’environnement (MUSE), spécialisation Impacts climatiques, en complément d’une Licence en relations internationales, j’ai acquis une vision globale de la thématique environnementale depuis une perspective scientifique. Passionnée par l’écriture, le voyage de recherche à Abisko m’a inspirée à écrire sur la beauté du pôle Nord et notre lien étroit avec la nature.