Réseau thermique Versoix-Centre, analyse du fonctionnement et bilan énergétique

Dans cette étude nous étudions le fonctionnement du réseau thermique Versoix-Centre dans le canton de Genève durant l’année 2018. Le réseau dessert en chaud et en froid plusieurs bâtiments neufs (construits après 2010) d’une surface totale d’environ 27'000 m2.

Le schéma simplifié du réseau est présenté sur la figure 1 où sont indiqués le tracé des conduites d’acheminement des eaux profondes du Léman, l’emplacement de la centrale de production thermique et les bâtiments raccordés au réseau thermique ; à savoir que la centrale de production thermique du réseau Versoix-Centre alimente actuellement 7 sous-stations (SST) de chauffage à distance (CAD) et 6 SST de froid à distance (FAD).

Figure 1Figure 1 : schéma simplifié du réseau thermique Versoix-Centre, du puisage jusqu’aux différentes sous-stations en passant par la station de pompage et la centrale de production thermique.

Principe de fonctionnement et températures de distribution

Le chauffage des bâtiments est assuré par une pompe à chaleur (PAC) centralisée et par deux chaudières d’appoint, la PAC centralisée utilisant les eaux profondes du Léman (puisage à −45 m) comme source froide. La production de froid se fait par la distribution directe des eaux profondes du lac (températures comprises entre 7 et 10°C) ou par la mutualisation chaud/froid avec le transfert des calories extraites aux bâtiments à l’évaporateur de la PAC centralisée. Un schéma simplifié du réseau est présenté sur la figure 2, où sont indiqués le schéma hydraulique permettant la mutualisation chaud/froid, ainsi que l’emplacement des compteurs de chaleur et des sondes de température utilisés dans cette étude.

Figure 2
Figure 2 : schéma hydraulique simplifié du réseau thermique Versoix-Centre avec indication de l’emplacement des compteurs de chaleur (rectangles noir et blanc) et des sondes de température (cercles avec "T").


Pendant l’hiver et lorsque les demandes de froid sont nulles, les eaux du Léman servent de source froide à la PAC et le complément thermique provient des chaudières d’appoint. En été et lorsque les demandes de chaud sont nulles, le lac est utilisé comme puits d’injection des calories extraites des bâtiments. À ce moment, les eaux lacustres sont acheminées vers les bâtiments par le réseau FAD où elles sont réchauffées avant d’être réinjectées dans le lac.

Lors des besoins concomitants de chaud et de froid, la PAC est utilisée pour récupérer les calories extraites de bâtiments pour la production de chaud. Pendant ces heures, la chaleur extraite des bâtiments n’est pas rejetée dans le lac, mais utilisée comme source froide pour la PAC et valorisée pour le chauffage des bâtiments via le CAD. La mutualisation se produit notamment en hiver et en mi-saison, mais aussi pendant les heures d’été où la PAC centralisée fonctionne pour maintenir la température du réseau CAD, afin de permettre la production décentralisée d’ECS par les clients. Lorsque la chaleur extraite des bâtiments est plus importante que les besoins de la PAC, le surplus de chaleur est injecté dans le lac. De manière analogue, lorsque les besoins de la PAC sont supérieurs aux demandes de froid, des calories supplémentaires sont extraites au lac.

Le réseau CAD est un réseau basse température (départ inférieur à 45°C et production PAC à 46°C) avec la production ECS (à plus haute température) assurée de manière décentralisé par des PAC installées au niveau des sous-stations des clients. Pendant l’année 2018, le ∆T moyen aller-retour du CAD varie entre 6 et 9 K et correspond à un débit spécifique d’environ 0.15 m3/h/kW. Les pertes du réseau CAD sont d’environ 3% de la chaleur produite et correspondent à un réseau isolé avec 17 cm d’isolation (conductivité thermique isolant de 0.04 W/K/m).

Les températures de distribution froid varient entre 8 et 11°C (compatible avec une distribution directe des eaux profondes du Léman) pour un ∆T moyen aller-retour proche de 4 K, soit un débit spécifique de 0.2 m3/h/kW. Vu que le système de distribution est non-isolé, les gains thermiques du FAD s’élèvent à 94 MWh/an et correspondent à une augmentation moyenne des températures de l’eau dans le réseau d’environ 0.04 K.

Puissances et bilan thermique pour l’année 2018

Les puissances horaires maximales chaud et froid appelées en 2018 sont de 815 kW et de 360 kW, respectivement, et sont nettement inférieures aux puissances contractuelles (plus de 1'500 kW pour le chaud et environ 1'000 kW pour le froid). L’écart entre les puissances maximales et contractuelles ne peut pas être expliqué par la météo de 2018, certes plus chaude que les années précédentes, mais qui a eu des jours froids comparables à ceux de l’année de référence selon la SIA. Par ailleurs, les puissances appelées sont proches des celles estimées d’après les indications normatives. En revanche, l’écart pourrait en partie être expliqué par les différences entre phase projet et réalisation.

Pour l’année 2018, les demandes de chaleur s’élèvent à 1'675 MWh, dont 75% couvertes par la PAC centralisée (COP moyen de 3.2), complétés par les chaudières centralisées (rendement de 94% PCI). Les besoins de rafraîchissement sont de 750 MWh, assurés à 60% par l’utilisation directe des eaux du lac, complétés par la mutualisation chaud/froid qui permet de récupérer plus de 300 MWh/an des rejets thermiques des bâtiments. La mutualisation représente ainsi 40% des besoins froid et un tiers de sources froides de la PAC. En base annuelle, on extrait plus de chaleur du lac qu’on y injecte, le déséquilibre étant de 73 MWh pour 2018.

Pendant l’été, le COP de la PAC centralisée monte à 4, ceci grâce aux hautes températures à l’entrée de l’évaporateur (chaleur récupérée aux bâtiments), qui varie entre 11 et 12°C. À cause du manque de concordance temporelle entre les demandes de chaud et froid, la mutualisation pendant les mois d’été est très faible et presque 350 MWh d’énergie sont injectés dans le Léman. L’énergie injectée dans le lac pendant les mois d’été est récupérée par la PAC durant l’hiver (extraction d’énergie). Pendant cette saison, la quantité d’énergie froid à mutualiser est limitée par les puissances froid. En hiver, les besoins thermiques à l’entrée de PAC sont d’environ 240 kW, tandis que les puissances froid à disposition sont au maximum de 50 kW. En revanche, on observe que 30% des rejets thermiques annuels sont mutualisés à ce moment, grâce au fonctionnement en ruban de la récupération de chaleur. Par ailleurs, pendant cette période, le COP de la PAC descend à 3.2 avec des consommations électriques correspondant à la moitié des consommations d’électricité annuelles de la PAC. Presque 45% des énergies produites par les chaudières sont utilisées pour couvrir la production thermique d’appoint pendant les trois mois d’hiver.

Le bilan annuel pour le réseau (chaud, froid et mutualisation), ainsi que sa décomposition pour les mois d’été et d’hiver sont présentés sur la figure 3 ci-dessous.

Figure 3
Figure 3 : flux d’énergies pour l’année 2018 et pour les saisons d’été (juillet – août) et d’hiver (janvier, février et décembre) 2018. Valeurs en MWh et rendement chaudière en PCI. Les déséquilibres thermiques au niveau du Léman sont indiqués explicitement dans les figures où un signal positif représente un déséquilibre avec plus d’extraction d’énergie que d’injection et un signal négatif l’inverse, plus d’injection que d’extraction.


Remerciements/Financement

Cette étude a été réalisée grâce au soutien financier des Services industriels de Genève (SIG).

Liens

Rapport complet :
F. de Oliveira Filho, P. Hollmuller, Réseau thermique Versoix-Centre : Analyse du fonctionnement et bilan énergétique, 2020.

Fleury de Oliveira

Fleury de Oliveira

Fleury de Oliveira est titulaire d'un master en physique et d’un master en sciences de l'environnement et de l’énergie. Il travaille actuellement pour l'intégration des énergies renouvelables (notamment la géothermie) aux systèmes énergétiques existants comme adjoint scientifique au Groupe Systèmes énergétiques de l’Institut des sciences de l'environnement depuis 2015.

www.unige.ch/sysener/fr/equipe/fleury-de-oliveira

Pierre Hollmuller

Pierre Hollmuller

Pierre Hollmuller est chargé de cours à l'Université de Genève. Sa carrière de recherche et d'enseignement dans le domaine des systèmes énergétiques s'est développée au sein de diverses universités (Université de Genève, Universidade de Lisboa Portugal, Universidade Federal de Santa Catarina Brésil). En collaboration avec le Prof. Martin Patel, il gère depuis 2010 le Partenariat de recherche entre les Services industriels de Genève (SIG) et l'Université de Genève, dans le domaine de l'efficacité énergétique et de l'intégration des énergies renouvelables.

www.unige.ch/sysener/fr/equipe/hollmuller

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